Voici, pour commencer, un aperçu général de la vie des sœurs Brontë ainsi que de leur frère moins connu, Branwell. Nous évoquerons ensuite la figure de chaque membre de la fratrie à travers des ouvrages d'époque et d'ordre divers. En ce qui concerne Charlotte, Branwell et Emily, nous explorerons les premières arcanes du Brontë Myth, titre de l'étude que Lucasta Miller a consacré, en 2001, à toutes les légendes que la popularité des sœurs Brontë a malheureusement engendré depuis le milieu du XIXe siècle...
(Source de l'image : Wikimedia Commons)
Derniers enfants du pasteur Patrick Brontë, d'origine irlandaise, et de Maria Branwell, Charlotte, Branwell, Emily et Anne sont tous nés dans le village de Thornton, dans le Yorkshire, au nord de l'Angleterre, entre 1816 et 1820.
C'est quelques semaines après la venue au monde de la cadette Anne en 1820 que la famille Brontë quitta Thornton pour Haworth, situé non loin. Le nom de la petite localité deviendra attaché à celui des sœurs Brontë en raison de ses landes sur lesquels donnait (et donne toujours) directement le presbytère familial. Ce formidable terrain d’exploration, de jeu et de rêves inspirera en particulier Emily pour ses Hauts de Hurlevent.
Les premières années à Haworth furent cependant marquées pour les petits Brontë par des pertes tragiques. En 1821, leur mère Maria succomba à un cancer, puis, en 1825, leurs deux sœurs aînées, Maria et Elizabeth, moururent des suites d’infections contractées dans une pension insalubre. Ces épreuves hantèrent Charlotte qui mettra en scène le terrible souvenir de Cowan Bridge dans Jane Eyre.
Les enfants survivants vécurent dès lors sous l’autorité austère de leur père et de leur tante méthodiste, Elizabeth Branwell. Leur quotidien était heureusement animé par Tabitha Aykroyd, une femme de charge pleine d’entrain. L’imagination devint leur refuge à travers les univers fantasques de Glass Town et de Gondal qui les occupèrent même une fois l’âge adulte venu (cf. rubrique Juvenilia).
Au cours de leur adolescence, les sœurs Brontë fréquentèrent la pension de Roe Head pour de plus ou moins longs séjours (il dura seulement trois mois pour Emily). Charlotte y noua des amitiés solides avec la pieuse Ellen Nussey et la forte figure de Mary Taylor (cf. Entourage et inspirations). À ses 18 ans, en 1835, elle y deviendra enseignante pendant deux ans et demi.
Issues d'un foyer somme toute modeste, les sœurs Brontë étaient confrontées à un avenir incertain. Sans mariage en vue, elles cherchèrent du travail (comme enseignante ou comme gouvernante) avec peu de bonheur. Seule Anne parviendra à se maintenir dans une place de gouvernante auprès de la famille Robinson dans les environs de York à partir de la fin de l'année 1841.
Le désir d’indépendance poussa les sœurs Brontë à envisager l’ouverture d’une école. Pour se préparer, Charlotte et Emily se rendirent à Bruxelles en 1842, mais leur séjour fut écourté par le décès de leur tante quelques mois plus tard.
Définitif pour Emily, ce retour au pays natal ne fut que temporaire pour Charlotte qui passa alors en Belgique une année supplémentaire marquée par la solitude et ses sentiments tourmentés à l’égard du professeur Constantin Heger dont le souvenir imprégnera aussi son œuvre.
De son côté, au cours de toutes ces années, Branwell déçut peu à peu les attentes placées en lui par sa famille. Après avoir abandonné de développer ses talents artistiques à Londres, il enchaîna les déboires professionnels.
Engagé par l’entremise d’Anne comme précepteur chez les Robinson en 1843, Branwell fit encore si bien des siennes qu'il se vit congédié avec bruit deux ans plus tard en 1845 – peu de temps avant sa sœur cadette ayant elle-même remis sa démission. Le motif à ces évènements reste incertain. On soupçonne une liaison adultère entre Branwell et la maîtresse de maison, Mrs. Robinson, mais il n'existe pas de document l'attestant hors de tout doute (cf. Branwell).
Quoi qu'il en soit, Branwell sombra alors dans l'alcool et à la drogue. Par ailleurs, les sœurs Brontë virent leur projet d'école tourner court faute d'inscription.
C'est de la sorte dans un contexte des plus pesants qu'elles se décidèrent à tenter leur chance dans la littérature.
Sous le pseudonyme masculin des frères Bell, la déconvenue les attendit d’abord puisque leur recueil commun de poésie, publié en 1846, ne trouvera que deux acquéreurs.
Entretemps, chacune s'était lancée dans la rédaction d'un roman : Le Professeur pour Charlotte, Les Hauts de Hurlevent pour Emily, Agnès Grey pour Anne. Le premier ne devait intéresser aucun éditeur au contraire des deux autres. Cependant, Charlotte Brontë conjura bientôt le sort avec Jane Eyre qui rencontra à l'automne 1847 un succès foudroyant – que furent loin d’avoir de leur côté Les Hauts de Hurlevent et Agnès Grey. Anne Brontë fera même l’expérience d’un certain rejet au printemps suivant, en 1848, avec La Locataire de Wildfell Hall et son héroïne fuyant un mari alcoolique.
Las, les jours de la famille Brontë devaient prendre à nouveau un tour déchirant. Branwell mourut de ses excès en septembre 1848, à 31 ans. Après avoir pris froid à son enterrement et refusé tout soin, Emily, alors âgée de 30 ans, le rejoignit dans la tombe à peine trois mois plus tard, en décembre, avant que cela ne soit le tour d’Anne, dont la santé avait été toujours fragile, à 29 ans, en mai 1849.
Charlotte vécut à partir ce moment-là de longues années de solitude à Haworth aux côtés de de son père vieillissant, ne goûtant ainsi guère aux fruits du succès de ses nouveaux romans parus après Jane Eyre : Shirley et Villette. Elle put croire en des jours meilleurs en se mariant avec Arthur Bell Nicholls en 1854, mais la maladie la rattrapa et elle mourut près d'accoucher au mois de mars 1855, peu avant ses 39 ans.
17 janvier 2013