The Wanderer of the Moors est un blog dédié aux sœurs Brontë. Il est maintenant achevé. Les sœurs Brontë sont nées au début du XIXe siècle dans le Yorkshire, région alors industrielle au Nord-Est de l'Angleterre. Elles ont passé leur brève vie dans un certain isolement, pour la plus grande part à Haworth, bourg au pied de la lande qu'elles chérissaient. Elles se sont adonnées à l'écriture dès l'enfance en compagnie de leur frère Branwell (1817-1848) qui devait mourir alcoolique et drogué. Si Charlotte (1816-1855) est connue de tout un chacun pour Jane Eyre (1847), elle a écrit trois autres romans : Le Professeur (vers 1846, publié en 1857), Shirley (1849) et Villette (1853). Tous ont pour sujets communs l'amour et la réalisation de soi dans une société inégalitaire et patriarcale. Pour sa part, Emily (1818-1848) a développé un romantisme personnel et sombre dans ses poèmes et Les Hauts de Hurlevent (1847). Enfin, Anne Brontë (1820-1849) a traité d'abord du sort des gouvernantes d'après ses propres expériences dans Agnès Grey (1847), roman empreint particulièrement de piété. Inspirée probablement par son frère, elle s'est ensuite attaquée aux ravages de l'alcoolisme et de la débauche dans La Locataire de Wildfell Hall (1848).
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Walter Scott

Chéri par les sœurs Brontë, Walter Scott (Sir, 1771-1832) est un auteur à la gloire immense, notamment pour avoir inventé un nouveau genre : le roman historique. Victor Hugo et Alexandre Dumas lui ont dû beaucoup en France même si sa propre œuvre a fini par s'y retrouver confiné à un lectorat enfantin avant que la critique ne la réhabilite – comme le signale Michel Crouzet dans ses analyses (au sein de la collection Bouquins) où nous avons beaucoup puisé [I].

Portrait de Walter Scott – Henry Raeburn

Walter Scott naquit en 1771 en Écosse à Édimbourg. Il était issu d’une lignée importante et ancienne de la région des Borders. Une poliomyélite contractée avant sa première année le laissa affligé d'un pied bot, handicap qu'il s'emploiera à surmonter par l'exercice – à l'image de son contemporain Lord Byron (cf. même rubrique). 

Dès ses premières années, Walter Scott se passionna pour l’histoire et la culture écossaises ainsi que pour la lecture, avec une prédilection pour les ouvrages héroïques comme Roland furieux de l'Arioste, La Jérusalem délivrée du Tasse ou les fameux romans de chevalerie dont s'amuse Cervantès dans Don Quichotte.  

Jeune homme, il céda, contre ses inclinations, à la volonté de son père de le voir entreprendre des études de droit à Édimbourg. Il y trouvera toutefois une certaine satisfaction comme le droit écossais se révélera à lui comme un élément essentiel de l'identité locale dont il devint peu à peu un véritable érudit grâce aux cours d'histoire qu'il suivait en même temps et à ses excursions entreprises pour collecter anecdotes et poèmes populaires. 

Se lançant au sortir de l’université, en 1792, dans une carrière d'avocat, il ne connaitra guère le succès. Dans le même temps, il s’engagea dans un corps volontaire destiné à empêcher la propagation des idées révolutionnaires françaises sur le sol britannique. 

Cette époque fut aussi marqué pour Walter Scott par un premier grand amour déçu avant qu'il n'épouse en 1797 Charlotte Carpenter (ou Charpentier, elle était d'origine française). Le couple, heureux, aura quatre enfants au cours des années suivantes.  

En 1799, pour augmenter quelque peu ses revenus, Walter Scott sollicita et obtint un poste de sheriff (comprenez « bailli » chez nos voisins) royal. Tout au long de sa vie, Walter Scott restera attaché à exercer une activité publique à côté de l'écriture.  

Après s'être adonné à la traduction d'œuvres issues du Sturm und Drang ( Goethe et Schiller), Walter Scott connut ses premiers succès littéraires en 1802 et 1803 avec la parution des trois tomes de The Minstrelsy of the Scottish Border, recueils de poèmes populaires et de quelques compositions de son cru. Deux ans plus tard, en 1805, The Lay of the Last Ministrel augmentera une popularité que ses poèmes suivants ne feront que conforter. 

Devenu riche, Walter Scott voulut vivre alors sur un grand pied à la manière d’un gentilhomme écossais. En 1811, il acquit ainsi un grand domaine, Abbotsford, dans la rénovation et l’embellissement duquel il engloutira des fortunes de manière déraisonnable.  

En 1813, la réputation de Walter Scott était si grande que le prince-régent désira le nommer poète-lauréat (c’est-à-dire poète officiel du royaume, titre qui existe toujours ainsi) mais Walter Scott refusa par crainte, lui qui occupait déjà deux postes administratifs relativement importants, de paraître courir après les honneurs.  

(Pour la petite histoire, les lauriers royaux échurent alors sur la tête de Robert Southey. Beaucoup plus tard, dans les années 1840, Charlotte Brontë lui enverra par courrier quelques compositions de sa plume. Si le poète illustre lui trouva un talent certain, il crut plus sage cependant de la conseiller de s'en tenir au plumeau.) 

C'est en 1814 que Walter Scott fit paraître son premier roman, Waverley – sous anonymat même si le secret sera rapidement éventé. Dans un esprit mi-romantique mi-ironique proche de Don Quichotte, Waverley conte les aventures au XVIIIe siècle d’un jeune anglais rêvant d’héroïsme, mais dont le manque de clairvoyance lui fait prendre part, aux côtés de clans écossais, à la mauvaise cause du retour de la dynastie honnie des Stuarts sur le trône d’Angleterre. 

Avec cette première incursion dans la prose, Walter Scott remporta un véritable triomphe auxquels succéderont ceux de Rob-Roy, La Fiancée de Lammermoor, Les Contes de mon hôte, etc., tous se déroulant dans un proche passé en Écosse. À cet égard, Walter Scott devint une figure éminente de la fierté écossaise (c’est à lui que le retour du port du kilt est dû par exemple) quoi que sans remettre en cause l'appartenance au Royaume-Uni (comme les animateurs du Blackwood's Magazine que nous avons précédemment évoqué).  

Au vrai, le fait de ne pas se couper de ses origines en acceptant les situations présentes pour ne pas nourrir de conflits stériles constitue un des grands thèmes de de Walter Scott. Tout en se plaisant à exprimer son respect et son affection pour ses compatriotes du passé, il entendait montrer leurs travers et les avantages de leur union aux Anglais à ses yeux. 

De même, ses intrigues rocambolesques ne servent pas que des fins de distraction. Elles s’inscrivent dans une réflexion sur le sens de l’héroïsme, notamment dans Ivanhoé, paru en 1819. À travers ce premier roman explorant l'univers médiéval, Walter Scott remet en cause l'idéal même de la chevalerie. Richard Cœur de Lion se révèle aussi beau paladin que mauvais politique, échouant non seulement dans sa croisade, mais n’apportant à son retour aucun bienfait à son royaume. 

Il ne faut donc pas se méprendre sur la pureté des héros de Walter Scott : ce sont des exceptions, des marginaux. Ils n’offrent pas de « triste figure » comme Don Quichotte, mais ils sont confrontés comme lui au fait de ne pouvoir intégrer un groupe dans un complet accord avec leurs idéaux.  

Ainsi, dans Quentin Durward (1823), qui se déroule en France à l’époque où Louis XI et de Charles le Téméraire étaient en conflit, le héros éponyme, un jeune écossais qui a dû fuir l’Écosse où son clan a été décimé par un autre, ne trouve son compte dans le service ni du premier, manquant de loyauté, ni du second, manquant, lui, de mansuétude.  

Ce ne sont là que deux aspects intéressants de l’œuvre de Walter Scott. Hormis les romans d'aventure, il s’essaya au tableau de mœurs et réalisa de nombreux travaux éditoriaux dans une activité frénétique destinée à rembourser ses dettes :  

« Je suis devenu une sorte d’automate-écrivain », dira-t-il.

Devenu veuf en 1826, il vit sa santé se détériorer au point de faire une première attaque cardiaque à l'approche de la soixantaine, en 1830, avant de mourir, en proie à la sénilité, à 61 ans, en 1832. 

19 février 2014

I : Waverley, Rob Roy, La Fiancée de Lammermoor, collection Bouquins, Robert Laffont (1981).